DELIRE EXPRESS
Smoke 2 joints
La "stoner comedy" est un genre bien particulier de l’humour américain, racontant bien souvent une aventure périlleuse arrivant à des protagonistes tellement défoncés qu’ils n’entravent rien à ce qui leur arrive. Basé sur des quiproquos, des dialogues nonsensiques et des situations surréalistes, ce sous-genre bien secoué possède ses réussites incontestables ("Smiley Face" de Gregg Araki), ses teen-movies inodores ("Harold et Kumar") et ses séries Z hilarantes (la série des "Cheeh & Chong", bien connue des amateurs de nanars eighties). Bien heureusement pour nous, ce "Délire express" (retitrage français idiot – une fois n’est pas coutume !) appartient à la première catégorie.
Passée la stupéfaction de voir le surdoué David Gordon Green (à qui l’on doit le magnifique "L’Autre rive", relecture contemporaine de "la Nuit du chasseur" de Laughton) s’aventurer en ce terrain périlleux, on s’aperçoit rapidement, et avec un immense bonheur, que son association avec la bande du King of Comedy, Judd Apatow, va permettre à ce pitch simpliste de s’élever rapidement au-dessus du tout venant de la comédie américaine. Pour sa troisième collaboration avec le comédien Seth Rogen (ici également co-scénariste), après les excellents "En cloque, mode d’emploi" et "Supergrave", Apatow reste fidèle à ses thématiques habituelles (l’amitié plus forte que tout, les losers au grand cœur) et préfère s’en remettre au talent de son réalisateur pour dynamiter avec jubilation les codes visuels et narratifs de la comédie d’action.
Sorte de "Bad Boys" dégénéré, avec deux accros à la ganja en guise de tandem héroïque (Seth Rogen donc, toujours aussi excellent, et l’inattendu James Franco, hilarant et touchant en dealer au cerveau lent), filmé énergiquement avec un style hérité des grandes heures du polar seventies (poursuite en voitures sans effets-spéciaux gênants, caméra à l’épaule lors des scènes de baston, photographie faussement naturaliste et gros grain sur la pellicule), "Délire express" enchaîne avec bonne humeur les dialogues absurdes et délirants, souvent étirés jusqu’à l’extrême, se moque gentiment des héros responsables du cinéma américain (voire cette scène incroyable où les deux compères vendent de l’herbe à trois collégiens frimeurs) et ose dans son climax se confronter à l’action pure et dure, avec bourre-pifs bien bourrins et impacts de balles bien sanglants.
Après l’émouvant "Sans Sarah, rien ne va !" et le régressif "Frangins malgré eux", cette troisième fournée annuelle de la Team Apatow se savoure alors comme un plaisir coupable hilarant, d’autant que l’on y retrouve, dans de savoureux rôles secondaires, les charmantes Rosie Perez ("Perdita Durango") et Amber Head (la seule et unique Mandy Lane). Rien que pour elle...
Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur