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WHITE GOD

Un film de Kornél Mundruczó

La vengeance est une pâtée qui se mange froide

La petite Lili est emmenée par sa mère pour passer quelques jours chez son père qui découvre qu’elle est accompagnée de son nouveau compagnon à quatre pattes, Hegen. Mais le chien est la cible du voisinage et du père, ce dernier n’hésitant pas à l’abandonner sur une route sous les yeux de sa fille. Hegen vagabonde alors dans les rues et atterrit dans un terrain vague, le repaire de nombreux autres chiens errants…

Kornél Mundruczó, réalisateur hongrois de "Un garçon fragile – le projet Frankenstein" (en compétition à Cannes 2010), revient donc sur la croisette dans la section Un certain regard de Cannes 2014. Avec "White God", il manipule brillamment le spectateur l’amenant à penser que son film est seulement un long-métrage destiné aux enfants. En effet, on est dans la première partie face à un scénario typique des histoires à la "Beethoven" et consorts : soit ici un couple séparé, une enfant au milieu qui fait face à la dureté de la situation avec son meilleur copain, Hegen un magnifique chien croisé, ce dernier ayant du mal à s’intégrer avec le père de la jeune fille. L’aventure commence quand le méchant papa abandonne le toutou-chien et qu’il se retrouve à errer à la recherche de sa jeune maîtresse. Le spectateur est largement attendri quand Hegen croise un autre chien qui va devenir son compagnon de route, les deux semblant communiquer l’un avec l’autre, tout en s’aidant mutuellement à échapper au vilain boucher puis aux méchants employés de la fourrière locale.

Mais à force d’accumuler les méchants, de plus en plus cruels, "White God" prend une tournure pour le moins inattendue. Le gentil film pour enfants vire au drame social, à la "Amours chiennes", quand Hegen est kidnappé pour devenir un chien de combat, son nouveau maître n’hésitant pas à user de coups de bâton. Et le long-métrage vire carrément au cauchemar « stephenkingien » pour des raisons que je tairais afin de ne pas trop en révéler… Bref, le réalisateur joue volontiers avec les nerfs du spectateur pris par surprise par tant de retournements ! Cela vaut donc bien un avertissement : laissez vos gentilles têtes blondes à la maison si vous pensiez leur montrer un nouvel épisode de "Beethoven" ! Remarquez, la toute première scène du film aurait dû nous mettre la puce de chien à l’oreille avec son ambiance de fin du monde à la "28 jours plus tard" !

On retiendra donc volontiers l’habile mélange des genres pour un film qui semble avoir plusieurs niveaux de lecture. Comment, en effet, ne pas voir dans le parcours d’Hegen, une parabole de notre société qui rejette ses « bâtards ». Partout dans le monde, un peuple, une communauté fait l’objet d’une chasse à l’homme ou d’un rejet. Et à force de haine, ne se pourrait-il pas qu’elle finisse par se retourner contre elle. "White God", un film en forme d’avertissement ?

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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