MERCI PATRON !
L'incroyable combat de François « David » Ruffin contre Bernard « Goliath » Arnault
LVMH, quatre lettres derrière lesquelles se cachent les plus belles marques de cosmétique, de joaillerie, de spiritueux ou de mode. Serge et Jocelyne Klur ont longtemps travaillé pour l’une d’elles, Kenzo, avant que leur usine ne soit délocalisée en Europe de l’Est. Aujourd’hui sans le sou, criblés de dettes, le couple est au bord de la banqueroute économique et psychologique. Un homme va tenter de leur redonner espoir en allant frapper à la porte du PDG de LVMH, Bernard Arnault. François Ruffin, un journaliste « poil à gratter » qui entend bien faire comprendre au célèbre patron que s’ils sont dans cette panade, c’est aussi un peu de sa faute. Tel un super héros, Ruffin enfile son costume « I Love Bernard Arnault » mais oh ! surprise ne trouve pas l’écho escompté… Il va donc passer à la phase suivante, c’est-à-dire aux choses sérieuses !
Ce documentaire, incroyable pamphlet contre la mondialisation et l’enrichissement des actionnaires au détriment des ouvriers, est monté en cinq actes et peut se voir comme un véritable film d’espionnage à suspense ! Les héros – des petites gens menacées d’expulsion de leur maison – trouvent l’aide d’un journaliste chevronné face au fameux mania du luxe, Bernard Arnault, à qui l’on peut reprocher le modèle de développement économique de son groupe qui a continuellement cherché à tirer profit de sa manne en réduisant les coûts de production donc à délocaliser ses usines pour avoir des ouvriers payés toujours moins cher. On est notamment éberlué par une interview retrouvée par Ruffin et diffusée dans un magazine télévisé où un responsable de LVMH annonçait fièrement avoir réduit ses coûts de production et qu’il pourrait prochainement trouver encore plus compétitif ailleurs…
Pour "Merci Patron !", François Ruffin enfile le costume de Michael Moore. Celui du dénonciateur qui utilise le média cinéma pour donner du poids à son propos. Sauf, que quand Moore se met en scène et est au premier plan de ses longs métrages, Ruffin se place davantage en retrait pour mettre en avant une famille qui va être au cœur de l’histoire. Serge et Jocelyne Klur sont des chômeurs qui ont travaillé toute leur vie d’arrache-pied pour Bernard Arnault, leur patron qui a fermé leur usine. L’empathie pour ce couple est immédiate, tant il est authentique, sincère et le symbole d’une France malade de sa politique économique. On va suivre le combat que ces « David » vont mener contre ce « Goliath », accompagnés par le journaliste de Fakir. Un tout autre film débute alors, avec ses agents infiltrés, ses caméras et micros cachés, ses bras de fer et autres manipulations exposés !
Entre rires, étonnement et consternation, on assiste aux coulisses d’une négociation ahurissante qui dit combien l’image institutionnelle d’une marque a une véritable valeur monétaire, surtout quand celle-ci est cotée en bourse. Ainsi, devant une menace estimée comme sérieuse, et notamment quand elle pourrait potentiellement irriter les actionnaires d’un grand groupe, certains sont prêts à sortir les mallettes pleines de biffetons pour acheter un silence, une inaction. Et dire qu’on ose démontrer que le patron en question « a un brin d’humanité » ! On ne sait plus s’il faut rire ou pleurer… Après le récent "Spotlight", on est heureux de constater que le travail de journalisme d’investigation se porte toujours aussi bien. On se demande juste si les patrons qui verront ce documentaire seront touchés par la véritable humanité qui s’en dégage…
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur