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LE MAGASIN DES SUICIDES

Un film de Patrice Leconte

Un monde en soi

Dans une ville grisâtre, un vol de pigeons est perturbé par des gens qui se défenestrent. Un homme tente de traverser alors que le feu piéton est encore rouge. Rattrapé de justesse par un passant, il apprend alors que se suicider est interdit. Mais ce dernier lui montre aussi la seule solution qui s'offre à lui : rendre visite au magasin des suicides...

Après une entrée en matière des plus macabres, l'adaptation du roman de Jean Teulé par Patrice Leconte (plus connu pour ses multiples films comme « Ridicule », « Les bronzés » ou « La fille sur le pont », que pour ses dessins dans le magazine « Pilote » à la fin de ses études) fut l'une des bonnes surprises des festivals de Cannes et Annecy 2012. Choisissant le mode de la comédie musicale pour mieux faire passer la réjouissante noirceur et les idées macabres du roman originel, il réussit à donner vie à l'univers de la famille Tuvache, dont le nouveau né est bien décidé à être souriant et heureux, soit tout le contraire des autres membres de la famille.

Humour noir et bons mots se mêlent délicieusement aux quelques chansons ponctuant un film rythmé qui devrait séduire petits comme grands. Pas de doute, ce premier essai dans le domaine de l'animation de la part d'un des rois de la comédie à la française, est une vraie réussite. Il a en tout cas lui-même pris goût à l'exercice puisqu'il annonçait dès le Cartoon Movie 2012, la mise en chantier d'un nouveau dessin animé.

À l'univers créé par Jean Teulé, l'auteur emprunte nombre de dialogues sarcastiques (les produits des Tuvache sont accessibles, mais « la mort, elle, n'est pas donnée »), tout un catalogue de façons de mourir, tout en venant illustrer le foisonnement de ce magasin perdu au milieu d'une ville lugubre qui va peu à peu reprendre des couleurs avec l'arrivée du troisième enfant. Ce trublion, à la bouille aplatie et au sourire facile est bien le premier à avoir une vision optimiste de la vie. Il dit « au revoir » au lieu de dire « adieu » aux clients, chose ici paradoxale, puisqu'un client content du service... ne devrait logiquement jamais pouvoir remettre les pieds dans la boutique !

Jamais à court d'idées, le metteur en scène met par exemple en image les cauchemars du père, perturbé par les agissements de son fils, sous forme de diagrammes de tâches noirs utilisés pour les tests psychologiques (test de Rorschach, appelé plus communément « psycho-diagnostique »). Il introduit pertinemment des couleurs plus claires ou vives au fil des perturbations qu'amène le jeune garçon, rendant sa sœur gothique enjouée et son frère dépressif amoureux. Se faisant indiscutablement plaisir, Patrice Leconte intègre également dans ses décors de nombreuses allusions au cinéma, comme l'affiche qu'on aperçoit au début, pour le film les « Zombrés » contrepèterie de la plus célèbre trilogie de Leconte lui-même.

Sortant en salles seulement fin septembre, ce dessin animé réjouissant fourmille de riches détails jusque dans ses dernières minutes, des fantômes des suicidés qui ressortent pour entonner la chanson finale, jusqu'à l'intrigant générique de fin où les lettres se font tuer par les fonctions des collaborateurs. Saluons enfin la qualité de la partition signée Étienne Perruchon, à qui l'on doit la chanson titre, dont l'air nous suit, entêtant, alors que l'on quitte la salle. Allez, on reprend en chœur : « avec la crise qui vous défrise, quoi de plus beau qu'une mort exquise » !

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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