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ZOOM SUR UN GENRE : de "SOS Fantômes" à "Enter the Void", 12 films de fantômes cultes

Ça nous arrange bien ! Les fantômes sont comme un prolongement de notre vie après la mort. Ils alimentent ainsi le fantasme de la vie éternelle. Et quel médium pouvait le mieux les exploiter sinon le cinéma qui se permet toutes les hystéries sur le genre du fantastique, faisant des fantômes de gentilles créatures comme "Casper" au coupeur de tête de "Sleepy Hollow" en passant par de vilaines fillettes asiatiques au teint pâle et aux longs cheveux noirs dans "The Ring". À l’occasion des 30 ans de "SOS Fantômes", voici un florilège de films cultes qui ont enchanté ou terrifié les spectateurs au cinéma.

Attention, certains textes révèlent des moments importants d’intrigues, voir la fin des films.

LA MAISON DU DIABLE (The Haunting) – 1963

De Robert Wise, avec Julie Harris, Claire Bloom, Russ Tamblyn…
Péril en la demeure ! Un style néo-gothique oppressant, un dédale de couloirs sombres, des pièces qui ne répondent à aucun angle droit, un escalier en colimaçon vertigineux, des sculptures grotesques et terrifiantes, tel est le glaçant décor de « Hill House ». Réputé hanté, ce manoir abandonné est l’endroit choisi par le cartésien Dr Markway pour étudier les phénomènes paranormaux. Afin de mener à bien son travail, il trie sur le volet des volontaires pour l’assister dans ses investigations. Parfaitement orchestré, ce thriller sensitif vous saisira d’angoisse sans vous dévoiler quoi que ce soit. Ici pas de monstres effrayants mais des bruits stridents qui percutent crescendo les murs de la vieille bâtisse. Pour amplifier la psychose, la caméra panique en enchaînant frénétiquement les zooms sur les moindres recoins de la pièce où les victimes se retrouvent paralysées par la peur.
Comme les phénomènes n’ont lieu que la nuit, le film s’offre des respirations à la lumière du jour en s’attachant au personnage d’Eleonor. Une femme fragile qui s’est dévouée corps et âme à sa mère malade depuis son adolescence et qui espère enfin vivre comme elle l’entend. Terrorisée à l’idée de se retrouver seule à nouveau, elle se donne entièrement à l’expérience pour ne pas décevoir les autres, dont elle aimerait tant se faire des amis. En conjuguant habilement le style horrifique et le portrait social, Robert Wise réalise ici un des plus grands chefs-d’œuvre du genre. Une parenthèse fantastique dans la fabuleuse carrière éclectique du réalisateur, oscarisé à deux reprises pour "West Side Story" et "La Mélodie du bonheur".

Gaëlle Bouché

SOS FANTÔMES (Ghostbusters) – 1984

De Ivan Reitman, avec Bill Murray, Dan Aykroyd, Sigourney Weaver, Rick Moranis…

Et voici le film de fantômes le plus cool depuis 30 ans. "SOS Fantômes", né de l'esprit de Dan Aykroyd (qui joue ray dans le film), est avant tout un film de potes du mythique show Saturday Night Live (Dan Akroyd, Bill Murray et Ivan Reitman). Qui dit SNL dit forcément comédie, mais agrémentée de petits instants d'épouvantes, puisqu'il s'agit de l'histoire de trois chercheurs de facs se retrouvant à la rue suite à la rupture des subventions de leurs recherches infructueuses sur l'existence d'ectoplasmes qui décident de monter un business de chasseurs de fantômes à New York. Ils enquêteront sur le cas de Dana (la charmante Sigourney Weaver) se sentant menacée par son frigo. La dose entre humour, second degré et horreur est juste parfaite. "SOS fantômes" sort aux Etats Unis et reste au top du box-office des semaines durant malgré une rude concurrence ("Indiana Jones" ou "Les Gremlins") et reçoit bien sur un accueil triomphant à New York, ville dont le film fait l'éloge avec cette phrase finale du quatrième ghostbuster qui s'exclame "J'adore cette ville" juste après avoir explosé la gueule d'un bibendum en Marshmallow sur le toit d'un immeuble. 30 ans plus tard, on en parle encore et son charme fait aisément oublier les quelques piètres effets spéciaux qui parsèment le film.

Alexandre Romanazzi

BEETLEJUICE – 1988

De Tim Burton, avec Michael Keaton, Winona Ryder, Geena Davis, Alec Baldwin…

Comédie horrifique. Pour son deuxième long métrage, au moment où son projet d’adaptation de Batman patine (mise à jour : erreur de notre part car Batman lui a été soumis lorsqu'il était en phrase de préparation pour "Beetlejuice"), Tim Burton s’inscrit dans ce qui va devenir sa spécialité (déjà explorée dans son court métrage "Frankenweenie" en 1984) : le sous-genre hybride de la comédie horrifique. Comme "SOS Fantômes" quelques années plus tôt, Burton s’attaque aux créatures de l’au-delà avec humour. Le scénario fait basculer les habitudes : les intrus à expulser sont les humains, qui sont en quelque sorte ceux qui hantent vraiment la maison, alors que les fantômes semblent incapables de les effrayer.
Tous les ingrédients principaux du style de Tim Burton sont déjà dans ce film : des effets spéciaux variés qui laissent la place à un hommage volontairement kitsch aux séries B qu’il vénère depuis son enfance ; des situations décalées ; un mélange de couleurs sombres et bariolées ; un humour parfois morbide ; des personnages aussi improbables qu’excentriques ; une réflexion sous-jacente sur l’acceptation des différences ; la musique à la fois virevoltante et effrayante de Danny Elfman ; ou encore la présence de quelques-uns de ses acteurs récurrents (Michael Keaton et Wynona Ryder évidemment, mais aussi Jeffrey Jones, Glenn Shadix et Catherine O’Hara, qui ont tous collaboré au moins trois fois pour Burton).
Le film contribue à révéler la jeune Wynona Ryder mais c’est surtout l’une des meilleurs performances de Michael Keaton, grandiose dans le rôle-titre, déjanté et irrévérencieux. Et "Beetlejuice" trouve son apogée dans la scène où les humains dansent malgré eux sur la chanson « Day-O » d’Harry Belafonte, un monument de chorégraphie qui symbolise à elle seule tout le cinéma de Tim Burton : ses personnages sont des marionnettes qui défient les limites entre effroi et humour.

Raphaël Jullien

GHOST – 1990

De Jerry Zucker, avec Patrick Swayze, Demi Moore, Whoopi Goldberg…

Il demeure difficile de ne pas aborder le long-métrage "Ghost" lorsqu’on évoque les fantômes. En effet, le film entier tourne autour du personnage de Sam Wheat incarné par le regretté Patrick Swayze, devenu fantôme après une agression qui tourne mal. Contraint de rester sur Terre, il se doit d’ouvrir les yeux de sa femme, Molly, sur le commanditaire responsable de sa mort.
Malgré le drame, l’amour triomphe grâce au spectre de Sam. Et c’est par le biais d’une médium bonimenteuse incarnée par la célèbre Whoopi Goldberg que la communication va s’engager entre les deux amoureux. Cet intermédiaire est primordial afin que le fantôme ait un impact sur les choix de sa femme.
Pour une fois, le spectateur se met dans la peau d’un fantôme puisqu’on suit Sam jusqu’à son envol vers l’au-delà. De plus, l'amour est tellement fort entre les deux héros que finalement, la mort n'est pas un obstacle.
Lauréat de nombreux prix, le succès de "Ghost" tient en une histoire d’amour passionnée, une bande originale inoubliable, des acteurs réalistes et un scénario efficace.

Chloé Hugonnenc

FANTÔMES CONTRE FANTÔMES (The Frighteners) – 1996

De Peter Jackson, avec Michael J. Fox, Trini Alvarado, Jeffrey Combs, Jake Busey…

Un fantôme serial-killer ! Le film est réalisé par un certain Peter Jackson avant qu'il ne se lance sur la trilogie du "Seigneur des anneaux". Les effets spéciaux des esprits à la manière du clip vidéo de Thriller sont nombreux.
L’histoire ? Un architecte médium, joué par Michael J. Fox, communique avec les esprits et peut même les voir depuis un accident de voiture dans lequel sa femme est morte. Il arnaque les habitants d’une ville avec la complicité de ses amis revenants. Mais sa vie est bouleversée le jour où il devient le coupable idéal dans des cas de morts pour le moins suspectes. Dans un manoir délabré, rôde un mauvais esprit : celui de John Bartlett un tueur psychopathe. C'est lui qui décime les habitants de la ville en leur broyant le cœur, poursuivant son funeste challenge de tuer le plus de personnes possible.
Pour agrémenter le film, un flic déjanté vient s'ajouter à la « chasse poursuite » entre le médium et l'esprit du tueur en série.
"Fantômes contre fantômes" sortit en 1997 et fut interdit aux moins de 12 ans à cause de scènes de revenants décharnés et de meurtres en série à la pelle.
Un bon film entre comédie et horreur qui précède d’autres films fantastiques à l’ambiance plus sombre des années 2000.

David Brejon

SIXIÈME SENS (The Sixth Sense) – 1999

De M. Night Shyamalan, avec Bruce Willis, Haley Joel Osment, Toni Colette, Olivia Williams…

Certains films ont deux vies. Certains hommes aussi. Malcolm, joué par Bruce Willis, fait partie de ces derniers. Sa première vie est celle d’un mari aimant et d’un psychologue émérite. Sa seconde est celle d’un fantôme qui s’ignore et qui cherche à se racheter une conscience auprès de Cole, un jeune enfant qui cache un lourd secret, interprété par Haley Joel Osment. Mais ce n’est pas ainsi que le film s’est fait connaître. Le synopsis de "Sixième Sens", réalisé alors par un illustre inconnu M. Night Shyamalan, a été vendu dans l’autre sens : un enfant qui voit des morts et qui se fait aider par un psychologue.
Si le film a été un tel triomphe (le plus gros succès de Bruce Willis en France et aux Etats-Unis), c’est en partie grâce à son fameux twist final qui a surpris tant de monde : la mort de Malcolm dans les premières minutes du film, sans que (presque) personne ne s’en rende compte. La prouesse cinématographique réside donc dans cette heure et demie qui nous berne de manière ingénieuse. Certains films ont deux vies, méritant une nouvelle vision, à l’issue de laquelle le spectateur voit un autre film dans lequel certaines scènes – qui lui paraissaient alors des plus normales – prennent un tout autre sens. Seul problème, l’intérêt décline passé une seconde vision, tant la force du film repose grandement sur cet effet de surprise.
Il reste néanmoins un des films majeurs de fantômes, utilisant les codes du fantastique qu’il décline dans des milieux urbains communs, avec des personnages ordinaires et au cœur du quotidien de ces protagonistes. Une manière inoubliable de réinventer le film de fantômes.

Mathieu Payan

LES AUTRES (The Others) – 2001

D’Alejandro Amenábar, avec Nicole Kidman, Elaine Cassidy, Christopher Eccleston…

À la fois envoûtant et glaçant ce film d'Alejandro Amenàbar, "Les Autres", traite quant à lui de la thématique des fantômes en usant du même stratagème que "Sixième Sens", puisqu’il nous raconte l'histoire d'une genèse : celle de la condition de spectre. Comment trois âmes errantes prennent-elle conscience de leur état de fantôme, bloqué entre les morts et les vivants ? L’histoire place un à un tous les codes du film d’horreur : immense demeure perdue dans la brume, atmosphère intemporelle et montée en puissance des éléments étranges et surnaturels, tout comme des interrogations sur les personnages.
Qui est cette mère surprotectrice et froide ? Est-elle folle ? Quelle est cette maladie étrange dont souffrent ses enfants ? Qui sont ces trois domestiques étranges, tour à tour bienveillants puis menaçants ? Les mystères s’accumulent pour nous mener sur de fausses pistes. Puis apparaissent les phénomènes dans la maison : bruits de pas, disparition des rideaux… La maison semble hantée, mais par qui ? Les standards éculés du film de fantômes sont déroulés pour rendre cette mère, jouée par Nicole Kidman, encore un peu plus folle et la pousser à ouvrir les yeux, et à accepter la réalité : elle a tué ses enfants, faisant d’eux trois des fantômes condamnés à hanter cette maison. Bluffé, le spectateur se voit ainsi offrir dès les dernières images, la promesse d’une seconde lecture du film, totalement nouvelle.

Loreleï Colin-Moreau

L'ÉCHINE DU DIABLE (El espinazo del diablo) – 2001

De Guillermo del Toro, avec Eduardo Noriega, Marisa Paredes…

Le cinéaste des monstres... fantomatiques. Alors qu'il n'est pas encore un cinéaste reconnu, Guillermo Del Toro s'attelle en 2001 à son premier grand film. Un projet mûri durant de longues années, et en grande partie autobiographique, que le cinéaste tient à tourner en indépendance totale, en Espagne, loin d’Hollywood et de son industrie. Portrait d’une communauté isolée durant la Guerre Civile Espagnole, "L’Échine du diable" mêle les genres avec virtuosité, passant du drame fantastique à l’horreur enfantine, et projette sur la toile des trésors d’imagerie gothique et d’émotion pure, créant par la même l’une des plus belles figures de fantôme jamais vues.
Convoquant des influences aussi diverses que le cinéma de Mario Bava ("Opération Peur"), de Luis Buñuel ("Los Olvidados") ou de Louis Malle ("Au revoir les enfants"), Del Toro fait acte d’auteur, déclarant son amour total des créatures monstrueuses et sa foi absolue dans le cinéma fantastique, tout en s’affirmant comme un conteur hors pair, pour qui les personnages et l’intrigue sont ce qui compte le plus. Une profession de foi, peuplée de personnages brisés physiquement et mentalement, qui lui permet d’exorciser certains démons personnels (son enfance dans une institution jésuite, la mort de son oncle, l’enlèvement de son père…), alors que la critique et les spectateurs découvrent médusés l’éclosion d’un cinéaste en passe de devenir l’un des plus grands.

Frédéric Wullschleger

LE CERCLE (The Ring) – 2002

De Gore Verbinski, avec Naomi Watts, Brian Cox…

Allumez la télévision… Mettez la cassette et regardez-la… Le téléphone sonne… Et une voix vous murmure à l’oreille le temps qu’il vous reste… Sept jours…
"Le Cercle", connu aux USA sous le titre "The Ring", est le remake du film japonais "Ring" réalisé en 1997 par Hideo Nakata et considéré, encore aujourd’hui, comme l’un des meilleurs films d’horreur de sa génération. La version américaine a été confiée à Gore Verbinski, qui a notamment réalisé les trois premiers "Pirates des Caraïbes".
Le film progresse au rythme de l’enquête de Rachel Keller (Naomi Watts) à propos d’une légende urbaine impliquant une cassette qui tuerait tous ceux qui la regardent. Il faut savoir que l’histoire de "The Ring" s’appuie sur une « véritable » légende urbaine japonaise, ce qui a fait du film un petit phénomène de société au pays du soleil levant.
Niveau cinématographique, peu d’effet de style. Le film joue plutôt sur une ambiance mystérieuse et sur la tension créée naturellement par le compte à rebours qui s’est enclenché pour le personnage principal. Mais personne n’oubliera la scène de la sortie de la télé reprise dans "Scary Movie 3", signe qu’elle a marqué cette génération. Après tout, l’imitation n’est-elle pas la plus sincère des flatteries ?

Adrien Vérot

THE GRUDGE – 2004

De Takashi Shimizu, avec Sarah Michelle Gellar, Jason Behr, William Mapother, KaDee Strickland, Clea DuVall, Bill Pullman...

Remake de "Ju-on" de Takashi Shimizu, "The Grudge" est un des films les plus terrifiants des années 2000. Sur fond de spiritualité et de légende japonaise, le film développe une ambiance sombre et glaciale qui a, par la suite, hanté les nuits de nombreux spectateurs. "The Grudge" nous fait suivre l’enquête de Karen, jeune expatriée américaine qui tente de comprendre l’étrange expérience qu’elle a vécue dans une maison de Tokyo. Nous allons donc de cadavre en cadavre à la découverte d’une des parts les plus sombres de la culture japonaise, d’autant plus terrifiante que nous l’observons de notre point de vue occidental. Le rythme est quasi parfait, les jump-scare et les phases de découverte se succèdent, provoquant une tension permanente que peu de film savent produire. La musique est elle aussi excellente et que dire de l’effroyable bruit que produit le fantôme de Kayako. J’ai peut-être vu ce film une quinzaine de fois et je dois avouer qu’il m’arrive encore de me faire avoir par une apparition surprise de ce fantôme qui, selon moi, a sa place au panthéon du cinéma d’horreur.
"The Grudge" est un excellent film. Et pour cause, ce n’est autre que Takashi Shimizu lui-même qui est derrière la caméra pour le remake de son propre film. Un film à savourer seul ou à plusieurs dans une grande pièce sombre et silencieuse.
Dernière petite info qui vous permettra de briller en société : Alex, le patron de Karen au centre social, est interprété par Ted Raimi qui n’est autre que le petit frère du grand Sam Raimi, ici producteur.

Adrien Vérot

LOVELY BONES (The Lovely Bones) – 2009

De Peter Jackson, avec Saoirse Ronan, Mark Wahlberg, Rachel Weisz, Stanley Tucci, Susan Sarandon…

Au sortir des tournages pharaoniques des trois "Seigneur des anneaux" et de son "King Kong" si attendu, Peter Jackson éprouve comme le besoin de revenir à un « petit » film, plus proche du sublime "Créatures célestes" que de ses quatre derniers blockbusters. Un « petit » film en apparence seulement, car sous des atours de conte intimiste, cette adaptation du roman La Nostalgie de l'ange d'Alice Sebold tient compte de tout ce que Jackson a pu apprendre en matière de dramaturgie, de croyance en la puissance de l'image cinématographique et d'utilisation des effets spéciaux.
À la fois quête intime d'une jeune fille ayant quitté le monde des vivants, récit d'un deuil insurmontable et enquête policière aux détours particulièrement gratinés, "Lovely Bones" dévoile ses trésors d'imagination et d'idées de mise en scène, jouant des couleurs, des motifs visuels, pour mieux y inscrire son désir de cinéma. Porté par des acteurs très impliqués (dont la révélation Saoirse Ronan) et une approche très premier degré de son sujet, le film peut rebuter, mais assoie la réputation de Jackson comme un conteur de premier plan.

Frédéric Wullschleger

ENTER THE VOID – 2009

De Gaspar Noé, avec Paz de la Huerta, Nathaniel Brown, Olly Alexander…

Film de fantômes à part entière autant qu'expérience cinématographique d'une puissance sensorielle sans commune mesure, le dernier film de Gaspar Noé exploite la figure spectrale sous un angle assez barré, pour ne pas dire carrément révolutionnaire. Rappelons le pitch : au terme d'un sidérant plan-séquence d'ouverture de quinze minutes (!), un dealer de drogues hallucinogènes passe de vie à trépas lors d'une descente de police dans un bar de Tokyo, et dès lors, la caméra de Noé suit le point de vue subjectif de son âme qui flotte au-dessus d'un Tokyo transformé en flipper géant.
Deux mouvements de mise en scène sont alors exploités pour faire ressentir la dérive post-mortem du héros : d'abord une caméra placée derrière le héros à vingt centimètres de sa nuque (lorsque celui-ci revisite son passé « par procuration »), ensuite une vue subjective de son âme décédée qui effectue des loopings vertigineux d'un bout à l'autre de la capitale nippone. Dans ce dernier cas, la figure du fantôme revient sur le devant de la scène par les actions d'une caméra qui abolit les lois de la physique, traverse des murs et des immeubles à vitesse supersonique, observe les destinées humaines à travers le point de vue astral, et s'autorise des dérives hallucinatoires, signes d'une altération progressive de la pensée. Noé tente même l'impossible en allant jusqu'à filmer son « fantôme»  en train de pénétrer l'organisme d'une femme en plein orgasme afin de se réincarner en nouveau-né dans son ventre. Un pari hallucinant, jamais vu auparavant, jamais égalé depuis.

Guillaume Gas

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